Arnaud et Valerie LabrouchePour beaucoup d’entre nous, rien ne vaut le charme de l’ancien ! Que ce soit pour personnaliser un appartement sans âme ou pour rénover une maison ancienne dans les règles de l’art, utiliser des matériaux de récupération permet d’obtenir de superbes résultats, pour un coût parfois moindre que le neuf. La démarche n’est pas nouvelle. De tout temps les hommes ont recyclé des éléments d'époques antérieures. Mais dans le passé c'était surtout par souci d'économie, on manquait de matériaux, de moyens financiers et humains pour faire du neuf. Aujourd’hui, c'est surtout pour l'aspect esthétique qu'on recycle l'ancien, et pour la qualité que les matériaux ont acquis en traversant les siècles.
Marchant sur les traces de ses parents, Arnaud Labrouche s’est spécialisé dans ce commerce particulier. Lorsqu’une maison ou un château doit être démoli, il fait un inventaire de tout ce qui peut avoir une seconde vie (portes, cheminées, escaliers, parquets, pavés, portails etc.), qu’il rachète au démolisseur. Il stocke ensuite ses trouvailles à Montendre ou Aytré où les acheteurs (particuliers, décorateurs et architectes) viennent chercher leur bonheur. Cheminées, dallages, carreaux de terre cuite, puits, porches, bacs en pierre, éléments de décoration multiples peuplent donc les deux sites d’exposition.

Au premier coup d’œil dans le hangar propre et soigneusement ordonnancé d’Aytré, on sent que rien n’est laissé au hasard. « Chaque pièce achetée est photographiée, mesurée, référencée et répertoriée. » Plus de dix années de travail sont ainsi archivées de quoi faire un jour pourquoi pas un livre. Arnaud y a déjà songé. «Pour le moment, ce travail nous sert essentiellement à rééditer certains modèles que nous refaisons à l’identique

Ici, les cheminées en pierre sont légion. Naturel dans une région où les antiques carrières pullulent, Jonzac, Thénac, St Macaire, Crazannes… et où la qualité de la pierre n’est plus à démontrer. Surtout des cheminées anciennes à trumeau dont la Saintonge est l’une des plus riches de France avec la Bourgogne. Tout un patrimoine et tout un savoir-faire de plusieurs générations de tailleurs de pierre sauvés de l’oubli et de la destruction.
« Déconstruire sans abîmer demande beaucoup de technicité. Il y a un sens pour démonter les pièces sans les abîmer, il faut ensuite les numéroter pour les remonter dans le même ordre. » Et comme nos ancêtres récupéraient déjà des matériaux anciens et les remettaient au goût du jour, il arrive qu’en descellant une pièce de véritables merveilles apparaissent. « Les antiquaires du bâtiment sont souvent mal perçus voire carrément suspectés de piller le patrimoine » s’indigne Valérie Labrouche. « Ce qui n’est pas vrai » même si le couple reconnaît que leur profession a comme d’autres « ses brebis galeuses ».

PierresMais la démarche de la famille qui perdure depuis deux générations est basée sur le respect du passé et la préservation des savoir faire.
« Certes, beaucoup d’éléments architecturaux sont partis et partent à l’étranger mais le système de passeport mis en place s’il se justifie est très contraignant. » Les meubles et autres tableaux qui font tout autant partie de notre patrimoine n’en ont, eux, pas besoin, alors que, la moindre auge y est soumise. A côté de cela, sans bruit ni publicité, certains antiquaires du bâtiment font œuvre de mécénat.
« Nous avons il y a quelque temps trouvé et acheté un petit kiosque qui avait longtemps été au Gua. Nous en avons fait don à la commune à condition qu’un projet soit réalisé pour le remettre en valeur. Ce qui a été fait. » Même démarche à Chaunac pour un porche, ce qui prouve l’authentique passion et attachement de la famille pour le patrimoine de sa région natale. Arnaud s’attache au respect du passé jusque dans les copies d’anciens. « Il y a copie et copie. Le bon travail consiste à utiliser les méthodes ancestrales mais aussi à respecter les cotes et proportions. Il y a ensuite la finesse de l’exécution qu’il faut surveiller

Que peut-on récupérer ?
« À peu près tout, du toit au sol sans oublier les éléments de jardin comme les vasques, auges, portails, bancs, et autres sculptures… » répond Valérie « à condition que ce soit en bon état, ou que la restauration ne coûte pas trop cher » rajoute Arnaud. Il ne cache pas qu’il est de plus en plus difficile de trouver certaines pièces, d’autant que les démolitions sont moins fréquentes aujourd’hui, le bâti ancien faisant plutôt l’objet de restauration. « Mais, il arrive que faute de temps ou par ignorance de la valeur des choses, des éléments architecturaux soient détruits. Les propriétaires, surtout lorsqu’il s’agit de SCI immobilières demandent rarement à un antiquaire du bâtiment de passer jeter un coup d’œil avant travaux. » Dommage car grâce à leur connaissance historique, ces professionnels peuvent dater précisément des éléments d’architecture, donner une idée de leur valeur ou déceler une copie. Et puis récupérer et donner une seconde vie aux choses, c’est plus écologique. La démarche de récupération va à l’encontre de la consommation à tout crin. « Et les matériaux que nous avons comme ces carreaux en terre cuite, faits à la main n’ont rien de chimique
Et puis, ces cheminées, dalles, portes ou porches n’ont pas fini de nous murmurer à l’oreille des histoires, leur histoire…

Article paru dans Maison d'océan.